par Samuel Cogliati Gorlier

• 22 janvier 2023 •

En conversant, hier, avec une personne qui, depuis de nombreuses années, a choisi d’habiter dans un autre pays que celui où elle est née et elle a vécu sa prime jeunesse, la question a surgi spontanément en moi. Aussi l’ai-je interrogée sans manières : de quelle nationalité se sentait-elle à présent ?

Après une très courte hésitation, peut-être due à mon indiscrétion, elle m’a répondu avec le plus grand naturel : « Je suis… dans le monde.» 
Cette réplique m’a décontenancé. J’ai d’abord songé à une volonté d’impressionner ; j’ai très vite compris que ce n’était pas du tout le cas.

Pour quelqu’un qui, comme moi, se débat depuis près d’un demi siècle entre deux cultures, deux langues, deux nationalités et la nécessité souvent imposée de choisir un camp, cette réponse tient du génie. Elle balaye d’un trait le problème du rattachement à une carte d’identité comme condition sine qua non pour définir son identité. 

Dans la religion et dans le sport, dans les guerres et en politique, le monde affiche chaque jour le besoin de s’inscrire dans une nationalité – voire dans un nationalisme – pour trancher sur nombre de questions primaires (peut-être faut-il dire d’angoisses ?).
Or, il s’avère que la réponse fâcheuse et incontournable à la question « qui suis-je ? » relève sans doute de la démarche opposée : je suis dans la mesure où je me dégage du lien à mon origine, dès lors que ce dernier est asservissant, comme c’est, hélas, trop souvent le cas. •

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